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Depuis vingt-cinq ans, avec sa société Animal Contact, Muriel Bec met son savoir-faire de dresseur animalier au service du cinéma, de la télévision, de la photographie et même de l’opéra.

Quand Alain Chabat demande à Muriel Bec un coati pour le tournage de « Sur les traces du Marsupilami », elle n’en avait jamais vu de sa vie. L’animal devait sortir une clé d’un tiroir et la remettre à Jamel Debbouze (scène ci-dessus). «Mon plus beau défi professionnel», confie Muriel.

Pour trouver Animal Contact, l’épicière du village de Ladon (Loiret) donne un repère simple : «Un peu plus loin, à gauche, vous verrez le dromadaire.» Le dromadaire, c’est Alex, inséparable ­d’Arthur, le mouton. La maîtresse des lieux, Muriel Bec, à la personnalité chaleureuse et au caractère entier, présente volontiers ses pensionnaires : Ratatouille le jack russel et une dizaine d’autres chiens, Juju et Milou parmi beaucoup de chats, Pitoune la jeune chèvre d’isard nourrie au biberon par une visiteuse, Hip‑Hop la femelle sanglier de 6 mois qui réclame des caresses comme un gros chien, Colette la vache, des pigeons, une pie blanche, Lulu et Lilou les coatis, des rats, des colombes, Maya la panthère noire qui, dans sa cage, se roule de plaisir sur le dos comme un chat imposant…

Les animaux, sa raison d’être
Sur 4 000 m2, des locaux et un pré, pour accueillir cette arche de Noé de centre-ville, côtoient la grande maison de la propriétaire qui se sent à l’étroit. «À 15 kilomètres d’ici, j’ai 15 hectares de pure nature, où sont déjà la moitié de mes 20 chiens. Je vais aller m’y installer avec plus d’animaux comme des biches, des blaireaux, des renards, des perroquets, une panthère tachetée…»
Même si elle pratique le dressage depuis vingt-cinq ans, Muriel Bec ne se reconnaît pas dans ce terme rude. «Loin d’un formatage, c’est l’utilisation des capacités de l’animal et de son envie de communiquer, de partager.» Exercer une activité professionnelle avec les animaux a toujours été pour elle une évidence. «Ils m’apportent un équilibre de vie. J’ai grandi à la campagne, dans une situation familiale conflictuelle avec mon père. Les animaux représentaient une compensation affective et sont devenus une raison d’être.»

Défis, rencontres, création et communication

Enfant, elle apprend à son chien à refermer les portes, à faire le mort, à porter des objets. Une corneille apprivoisée la suit partout. «Je prenais des œufs dans les fermes et les nids juste avant l’éclosion pour que la pie ou le canard me connaisse bien. Quand, à l’adolescence, on m’a offert Les Fondements de l’éthologie de Konrad Lorenz, j’ai été offusquée : je pratiquais l’imprégnation depuis longtemps, même si je n’étais pas capable de l’expliciter.»

Elle part étudier la communication dans une université américaine rattachée à un centre de primatologie. À son retour en France, elle rencontre par hasard un dresseur animalier pour le cinéma. «Cette activité regroupait tout ce que j’aimais : animaux, absence de routine, défis humains, rencontres toujours différentes, création, technique et communication.»

Aujourd’hui, elle réalise 70% de son activité pour le cinéma, mais collabore aussi à des téléfilms, des émissions de télévision, des publicités, des évènements, des spectacles. Pour la première fois, elle vient de participer à un opéra, Venus and Adonis, de John Blow, présenté à l’Opéra-Comique à Paris du 12 au 15 décembre, avant une tournée dans toute la France. «La metteuse en scène Louise Moaty voulait trois grands chiens de chasse à courre. Pendant deux mois, je leur ai appris à marcher en laisse – ce que ne savent pas faire ces chiens d’équipage –, à se déplacer sur scène, à rester tranquilles malgré le public.»

Des animaux domestiques aux animaux sauvages
Au jeu de l’animal préféré, Muriel Bec répond le chat, sans hésitation. «Tout le monde affirme qu’il ne se dresse pas. Moi je réponds que si, comme avec les autres animaux, en développant la complicité, le plaisir.» Et d’en faire la démonstration avec Tino et Toni, deux superbes chartreux d’un gris bleuté. À la demande, ils s’asseyent, se déplacent sur des marques, se frottent contre la jambe de leur maîtresse. Identiques au premier coup d’œil, les deux chats doublures apparaîtront dans Quai d’Orsay, le prochain film de Bertrand Tavernier. «Toni est parfait pour rester dans les bras. Tino est un chat de mouvement. Je tiens compte des capacités de l’animal, de qui il est.»

Longtemps, Muriel Bec n’a travaillé qu’avec des animaux domestiques : chiens, chats, poules, canards… Mais en 2005, pour Aurore, de Niels Tavernier, le directeur de production a insisté : il voulait 40 chiens, dix chevaux et un faucon préparés par elle. «Cette demande a représenté un virage. J’ai collaboré avec un fauconnier. Depuis, j’ai développé des partenariats avec des professionnels spécialisés dans les rapaces, les fauves, les éléphants, les reptiles, etc. Je connais les dresseurs et leurs animaux. Je sais quel tigre pourra être allongé sur un canapé et quel autre sera convaincant pour des attitudes féroces.»

Évaluer la faisabilité du scénario
En amont du tournage, Muriel Bec analyse avec le réalisateur la faisabilité de ce que prévoit le scénario, propose le cas échéant d’autres solutions, trouve l’animal idoine, le prépare et se rend sur le tournage. «Plus l’animal est bon, plus on va lui en demander sur le plateau. Il faut être capable de dire non, de tenir tête à de fortes personnalités que je me dois de servir, mais dans le respect de l’animal. Je ne veux pas perdre la confiance de ma bête.»

Sur le tournage de Belle et Sébastien, de Nicolas Vanier, dans la vallée de la Haute-Maurienne, la laie Hip-Hop évoluait en totale liberté. «Elle ne travaille que sur l’affectif, le plaisir. Il ne fallait pas qu’elle ait peur alors qu’on reconstituait une scène de chasse. C’est un animal exceptionnel qui marche en laisse, ce qui a permis de la conduire dans des endroits inaccessibles avec une cage.» Pour Sur la piste du Marsupilami, Alain Chabat voulait qu’un coati prenne une clé dans un tiroir et la remette à Jamel Debbouze enfermé dans une cellule. «Quand j’ai lu la scène, j’ai pensé qu’ils étaient fous, s’amuse Muriel Bec en caressant Lulu et Lilou qui promènent leur long et doux museau sur les visiteurs. Je n’avais jamais vu de coati de ma vie, je ne savais pas ce qu’ils pouvaient faire.» Elle finit par trouver dans un zoo privé hollandais deux bébés inapprivoisés. «Une fois socialisés, ils ont appris très vite. Ils me font penser à des enfants de 2 ans ­hyperactifs, intelligents et câlins. C’est mon plus beau défi professionnel. Dans un milieu où tout est dû, pour de vrais généreux comme Dany Boon et Alain Chabat, je décroche la lune.»

CORINNE RENOU-NATIVEL