Des animaux domestiques aux animaux sauvages
Au jeu de l’animal préféré, Muriel Bec répond le chat, sans hésitation. «Tout le monde affirme qu’il ne se dresse pas. Moi je réponds que si, comme avec les autres animaux, en développant la complicité, le plaisir.» Et d’en faire la démonstration avec Tino et Toni, deux superbes chartreux d’un gris bleuté. À la demande, ils s’asseyent, se déplacent sur des marques, se frottent contre la jambe de leur maîtresse. Identiques au premier coup d’œil, les deux chats doublures apparaîtront dans Quai d’Orsay, le prochain film de Bertrand Tavernier. «Toni est parfait pour rester dans les bras. Tino est un chat de mouvement. Je tiens compte des capacités de l’animal, de qui il est.»
Longtemps, Muriel Bec n’a travaillé qu’avec des animaux domestiques : chiens, chats, poules, canards… Mais en 2005, pour Aurore, de Niels Tavernier, le directeur de production a insisté : il voulait 40 chiens, dix chevaux et un faucon préparés par elle. «Cette demande a représenté un virage. J’ai collaboré avec un fauconnier. Depuis, j’ai développé des partenariats avec des professionnels spécialisés dans les rapaces, les fauves, les éléphants, les reptiles, etc. Je connais les dresseurs et leurs animaux. Je sais quel tigre pourra être allongé sur un canapé et quel autre sera convaincant pour des attitudes féroces.»
Évaluer la faisabilité du scénario
En amont du tournage, Muriel Bec analyse avec le réalisateur la faisabilité de ce que prévoit le scénario, propose le cas échéant d’autres solutions, trouve l’animal idoine, le prépare et se rend sur le tournage. «Plus l’animal est bon, plus on va lui en demander sur le plateau. Il faut être capable de dire non, de tenir tête à de fortes personnalités que je me dois de servir, mais dans le respect de l’animal. Je ne veux pas perdre la confiance de ma bête.»
Sur le tournage de Belle et Sébastien, de Nicolas Vanier, dans la vallée de la Haute-Maurienne, la laie Hip-Hop évoluait en totale liberté. «Elle ne travaille que sur l’affectif, le plaisir. Il ne fallait pas qu’elle ait peur alors qu’on reconstituait une scène de chasse. C’est un animal exceptionnel qui marche en laisse, ce qui a permis de la conduire dans des endroits inaccessibles avec une cage.» Pour Sur la piste du Marsupilami, Alain Chabat voulait qu’un coati prenne une clé dans un tiroir et la remette à Jamel Debbouze enfermé dans une cellule. «Quand j’ai lu la scène, j’ai pensé qu’ils étaient fous, s’amuse Muriel Bec en caressant Lulu et Lilou qui promènent leur long et doux museau sur les visiteurs. Je n’avais jamais vu de coati de ma vie, je ne savais pas ce qu’ils pouvaient faire.» Elle finit par trouver dans un zoo privé hollandais deux bébés inapprivoisés. «Une fois socialisés, ils ont appris très vite. Ils me font penser à des enfants de 2 ans hyperactifs, intelligents et câlins. C’est mon plus beau défi professionnel. Dans un milieu où tout est dû, pour de vrais généreux comme Dany Boon et Alain Chabat, je décroche la lune.»
CORINNE RENOU-NATIVEL